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Les aventures de Llynn
14 février 2011

Chapitre 1 / 3ème partie

Je tente de mettre le mage à mes côtés. C’est un drôle de bonhomme qui dissimule une bonne partie de son visage derrière sa barbe de mage. Il est vêtu de sa robe de mage, une sorte de tunique qui descend très bas. Suffisamment pour balayer derrière lui. Il porte un chapeau de mage, un truc assez haut et pointu. Dans une main, il tient son grimoire de mage et, dans l’autre, son bâton de mage, une sorte de canne qui doit faire dans les cinq pieds de long. A part la barbe, tout le reste est mauve. La barbe est blanche. Du moins elle l’était au départ. Elle serait plutôt grisâtre maintenant…

*     *     *

On m’a suggéré de partir avec un mage pour ses qualités indiscutablement importantes. Ne sachant pas trop à quoi j’allais m’exposer dans ce trajet, j’ai trouvé l’idée plutôt bonne.

J’ai choisi un mage mauve parce que c’était la seule caste qui avait des disponibilités. Les mages rouges ou noirs avaient décliné ma proposition sous prétexte qu’ils étaient tous déjà pris. Les mages verts, eux, ne se livraient plus à ce type d’exercice. Enfin, Rekynn, le Maître des mages blancs, m’avait fixé un tarif que j’avais jugé prohibitif.

Le Maître Supérieur de la caste des mages mauves, Zyxynn, m’avait assuré que Ghynn était un mage parfaitement capable, qui était sorti de l’université avec les honneurs. Il avait une longue expérience de ce type de mission. Je pouvais, si je le souhaitais, vérifier ses références en contactant d’autres personnes ayant fait appel à ses services, même si elles n’étaient pour l’instant pas facilement joignables. Le caractère dérisoire de son tarif n’était lié qu’à une offre promotionnelle qu’ils faisaient en ce moment, « la grande semaine du mauve ». Avec un grand sourire enjôleur, Zyxynn m’avait dit qu’il fallait que je me dépêche de retenir Ghynn. En effet, d’autres propositions affluaient. J’ai donc signé le parchemin qu’il me tendait et versé les quelques marks or qui scellaient notre coopération.

*     *     *

Donc, je reviens en arrière pour me mettre à la hauteur du mage.

– Mage Ghynn, cela ne vous dérangerait-il pas de marcher devant, à mes côtés ?

– Holà, messire Llynn. Malheureux ! Je ne peux accepter d’être en tête du cortège. C’est une lourde responsabilité que de marcher devant. Imaginez, messire Llynn, que je me trompe de chemin et que nous nous égarions. Ce serait une véritable catastrophe. Non, petit inconscient, je ne veux pas faire prendre de risque à notre équipée.

– Mais, mage Ghynn, il n’y a qu’un seul chemin, certes assez peu balisé, mais il suffit d’avancer tout droit. Vous ne risquez pas de nous perdre.

– Messire Llynn, il n’y a qu’un seul chemin pour l’instant, qui, comme vous le dites, est très peu balisé. Rien ne nous dit qu’il n’y aura pas de bifurcation par la suite. Ce n’est pas une chose impossible, messire Llynn.

– Dans ce cas, vous vous arrêterez et nous aviserons ensemble. Tous les deux.

– Holà, messire Llynn. Malheureux ! Et si jamais je ne notais pas cette intersection. Si jamais je continuais mon chemin sans voir que nous passons à côté d’un embranchement. Si jamais je perdais le nord. Si jamais je déviais de notre trajectoire. Vous devez savoir, messire Llynn, que je suis sans arrêt en train de réviser mes formules magiques. Je n’ai donc pas forcément toute mon attention focalisée sur la route. Eh oui, pendant que je marche, je travaille ma magie. Un accident serait si vite arrivé.

– Mais mage, tranquillisez-vous. Je ne vous demande pas de marcher seul en tête. Je souhaite juste que nous marchions tous les deux, côte-à-côte.

– Je ne peux accepter, messire Llynn. Et puis, ce que vous me demandez me rappelle une aventure qui m’est arrivée à l’université. Je devais aider le bibliothécaire à ranger des livres alors que nous étions en pleine révision pour nos examens de fin de trimestre. Je vous laisse imaginer, messire Llynn, la pression qui pesait, à l’époque, sur mes épaules.

– Je veux bien vous croire, mage.

– J’avais eu quelques accidents de parcours et je ne devais pas rater ces épreuves sous peine d’une probable exclusion de l’université. Il vous faut savoir, messire Llynn, que les processus de sélection sont particulièrement rigoureux, ce qui garantit, à la sortie, un niveau d’excellence rarement atteint.

– C’est effectivement ce que votre Maître Supérieur m’a dit.

– Bref, cet individu, le bibliothécaire, aux allures de primate, « le gorille » comme nous osions le surnommer entre nous en cachette, m’avait demandé de replacer quelques grimoires. Il fallait les ranger sur la septième étagère de la septième travée dans la septième allée. Et bien, croyez-moi messire Llynn, je me suis perdu. Ce n’a été que plusieurs heures après que le bibliothécaire m’a retrouvé et m’a remis sur le bon chemin. Vous voyez, je ne veux pas égarer notre troupe. Ce sera un véritable désastre.

– Et quel a été le résultat de vos examens, mage Ghynn ?

– Euh, messire Llynn, là n’était pas la question…

– Permettez-moi, mage Ghynn, d’insister. Je suis soucieux de ce qui a pu vous arriver. Et puis votre Maître Supérieur m’a tant vanté vos qualités.

– Malheureusement, les examens se sont portés sur une matière dans laquelle je n’étais pas le plus doué, messire Llynn. C’est une matière particulièrement difficile. Je n’ai pas eu les résultats que j’aurais pu escompter malgré tous mes efforts.

– Et quelle était-elle, cette matière qui vous paraissait si ardue ?

– L’incantation, messire Llynn, l’incantation.

– …

Me voilà parti avec un mage nul en incantation. Comment lance-t-il donc ses sorts ?

– Mais alors, mage, qu’en est-il du processus si rigoureux de sélection ?

– Euh, j’ai bénéficié d’un rehaussement exceptionnel de mes résultats du fait de mon comportement pendant tout le trimestre, messire Llynn. Et puis mon père était allé discuter avec le doyen de l’université.

– Votre père ?

– Oui, messire Llynn, je ne suis pas peu fier d’être le fils de maître Aqlynn.

– Celui qui possède la moitié des navires de Qarwann ? J’ai toujours entendu dire qu’il était d’une extrême générosité.

– C’est exact, messire Llynn. Il a particulièrement participé à la restauration de quelques bâtiments de notre université qui tombaient en ruines. C’est un véritable mécène.

Bon, il est nul en incantation. Je comprends mieux qu’il ait été disponible et que je n’ai pas vu grand-chose de son art. Ça promet… Pourvu que je n’ai pas trop besoin de ses services, finalement.

En fait, son bibliothécaire, « le gorille », aurait mieux fait d’attendre plusieurs Xorr avant d’aller le chercher. Les os blanchis, Ghynn n’aurait pas été plus inutile.

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